Communiqué de la section 19 du 25 juillet 2014 relatif au décret PEDR

Chères et chers collègues,

De nombreux débats concernant la PEDR ont animé notre communauté, qu’il s’agisse de son principe même ou de ses conditions d’attribution. C’est sur ce dernier point que notre section CNU s’est prononcée dans deux motions successives (ci-dessous). La dernière en date, celle du 20 mai 2014, réitère le refus de la section d’organiser la session d’examen des demandes de PEDR. Cette position nécessite quelques explications.

Par décret du 20 mai 2014, la PES (prime d’excellence scientifique) redevient la PEDR (Prime d’encadrement doctoral et de recherche). Cette nouvelle dénomination ne changeant en fait pas dans les faits les critères à utiliser par les candidats pour présenter les dossiers (application ELERA : publications et production scientifique, encadrement doctoral et scientifique, diffusion scientifique (ex « rayonnement »), responsabilité scientifique). Le décret précise que pour avoir un avis sur les dossiers des candidats à la PEDR, les universités ont le choix entre « l’instance nationale d’évaluation » ou « une expertise confiée à des enseignants- chercheurs ou personnels assimilés ». Les textes envoyés par le ministère (lettre adressée aux présidents de CNU du 20 février 2014) confient au CNU le rôle « d’instance nationale d’évaluation ». Ces mêmes textes, comme le logiciel dont le ministère a doté les sections CNU pour codifier les avis, obligent les sections du CNU à produire un avis par critère et un avis global d’une part, et à respecter des quotas par notation d’autre part (20% de A, 30% de B, 50% de C).

Lors de ses sessions de février et mai 2014, notre section n’avait encore qu’une idée très imparfaite du système définitif, le décret n’ayant été finalement publié que fin mai. Néanmoins, à la lumière des informations à sa disposition, la section a refusé d’organiser une session d’examen PEDR pour l’année 2014. Ce refus a été pris à l’unanimité et si certains partageaient l’idée qu’une expertise nationale par le CNU était préférable à une autre forme d’évaluation, ils ont pensé que les conditions dans lesquelles le ministère nous demande de réaliser cet examen des dossiers justifient de ne pas y participer.

En effet, la nouvelle situation modifie profondément le rôle et les missions du CNU qui devient une instance « d’évaluation », au service des logiques managériales du ministère ou des universités autonomes. L’autonomie à cet égard ne manquera pas d’accentuer les inégalités entre les collègues. D’une université (riche) à l’autre (pauvre), l’enveloppe des PEDR est très variable, et par voie de conséquence, selon qu’ils exercent dans l’une ou l’autre, à dossier scientifique comparable, ils ne seront pas traités de la même manière.

L’imposition de quotas est de ce point de vue tout à fait antinomique avec l’idée que le CNU est une instance collégiale autonome qui produit des avis sur le fond des dossiers. En nous obligeant à classer « C » – avant même d’avoir ouvert les dossiers de 50% de nos collègues – le décret change la nature même des missions du CNU. Ce n’est plus un comité produisant un avis scientifique sur des pré-requis minimaux pour être inscrit sur des listes d’aptitude. Il produira des avis directement indexés à des contraintes budgétaires. Et si le CNU classe déjà les collègues à promouvoir en fonction d’un contingent trop réduit en raison de ces mêmes contraintes budgétaires, il n’est pas sommé de produire à l’avance une note négative pour désigner l’immense majorité de ceux qui ne sont pas retenus. Ce que le système PEDR, tel qu’il se présente aujourd’hui, nous injoint à faire.

Par ailleurs, l’évaluation n’a de national que le nom, puisque les avis rendus par la section sur chacun des quatre critères donnent lieu à une note globale au niveau de l’université, en fonction de pondérations ou règles locales. Dans ces conditions, le CNU pourrait servir de caution scientifique à des pratiques locales non fondées sur la qualité des candidatures. Tout effort qui serait fait pour rendre un avis indépendant au niveau national pourrait être mis en cause par des stratégies locales et des politiques d’établissement.

Enfin, notre section n’a pas souhaité travailler dans la précipitation, en mettant en place une organisation et des modalités d’évaluation comme cela lui a été demandé, avant même la publication des textes. En outre, la question de l’auto-évaluation n’a pas été considérée de façon sérieuse par le ministère et aucun garde-fou pour l’instant ne permet d’éliminer les conflits d’intérêts qui ne manqueront pas de se présenter lors de l’examen des dossiers.

Toutes les autres sections ont fait le choix d’organiser des sessions d’examen des PEDR, mais nombreuses parmi elles ont dû faire cela à marche forcée, et sans pouvoir compter sur les nombreux élus ou nommés qui ont, à titre individuel, refuser de siéger pour ces sessions.

 

 

Notre section attend d’avoir du recul sur les sessions 2014 organisées par les autres sections pour réfléchir à la suite à donner à sa motion en 2015.

 

 

La section 19 du CNU « Sociologie, démographie »

 

 

 

 

Rappels :

 

 

Suite au projet de décret relatif à la PEDR, et suite à la motion votée le 12 février 2014, la section 19 « Sociologie, démographie » du CNU, réunie en session plénière le 20 mai 2014 constate :

‐ qu’en l’absence de publication du décret, le flou demeure quant au cadre réglementaire relatif à la PEDR ;

‐ que l’hétérogénéité des situations et des pratiques spécifiques à chaque établissement d’enseignement supérieur génère d’importantes inégalités de traitement ;

‐ que cette mission supplémentaire ne figure pas dans le cahier des charges du mandat quadriennal des membres du CNU ;

‐ que cette nouvelle mission, consultative, fait peser une hypothèque sur la dimension nationale de l’évaluation et le rôle de notre instance.

Pour ces motifs, la section 19 du CNU décide de ne pas organiser pour l’année 2014 une session d’examen des PEDR.

 

 

Motion votée le 20 mai 2014, à Paris. 29 votants : 29 pour (0 abstention ; 0 contre)

 

 

 

 

Pour rappel motion du CNU19 du 12 février 2014, sur la question de la prise en charge de sessions PEDR par les sections CNU

« Les membres de la section 19 dénoncent la précipitation et le peu de concertation qui entourent les discussions entre la CP‐CNU et le ministère autour du projet de décret relatif à l’attribution des PEDR. Ils manifestent leur opposition au classement ABC associé à des quotas. Le décret tel qu'il se dessine éloigne le CNU de son rôle d'instance de régulation des disciplines scientifiques pour en faire un outil au service des politiques managériales locales rendues possibles par la LRU. »

32 votants : 31 pour (0 abstention ; 1 contre)