Parcousup - Le florissant business des coachs

La nouvelle plateforme a fait naître un immense marché, non réglementé, de l’accompagnement scolaire.

par Caroline Beyer (Figaro, lundi 5 mars 2018)

CAROLINE BEYER

ÉDUCATION Parcoursup, nouvelle poule aux œufs d’or ? La plateforme d’orientation postbac, qui a succédé à « APB », a mis les acteurs du coaching scolaire en ébullition. Sur les starting-blocks avant l’ouverture du portail, début janvier, ils ont repositionné leur offre. De manière tout à fait efficace.

Créé en 2009, le cabinet Tonavenir.net a ainsi enregistré une activité en augmentation de 30 % par rapport à l’année précédente. « APB et le tirage au sort ont laissé des traces. Les parents s’inquiètent. Beaucoup demandent un accompagnement total », explique Sophie Laborde-Balen, fondatrice de la structure, basée à Saint-Cloud. « Je suis une autodidacte, revendique cette mère de quatre enfants qui, avant d’ouvrir sa structure en 2009, avait un cabinet de podologie. Au fil des années, j’ai constitué mes fiches sur les débouchés et les métiers. » Depuis 2010, le concept a été déployé sur toute la France, à travers un réseau de franchises animé par 35 conseillers. Parmi eux, des coachs, des profs, des gens venus des ressources humaines, du journalisme, et même une ancienne assistante dentaire. À chaque demande, son « pass » : « Révélation », « Réflexion », « Affinité », ou encore « Sérénité », pour les familles les plus angoissées. Ce « package » comprend deux entretiens, la rédaction du CV et de la lettre de motivation - désormais demandés sur Parcoursup - et l’inscription sur la plateforme. Tarif ? 560 euros. « 80 % des jeunes ne savent pas ce qu’ils veulent faire », explique la coach. Il y a ceux qui ont l’embarras du choix, comme cette jeune lycéenne et son 18 de moyenne à ­Henri-IV. Il y a ceux qui veulent se réorienter, comme cette étudiante en médecine que la coach a guidée vers l’école de cuisine Ferrandi. « Le papa m’en a voulu dans un premier temps, mais il faut faire passer le jeune d’abord », estime-t-elle.

Des structures de ce type, il en existe une multitude, des poids lourds du secteur, tel Acadomia - qui a démarré dans le soutien scolaire et ne cesse d’étendre son périmètre -, aux petites sociétés à durée de vie éphémère. Des organismes qui s’appellent Odiep ou Eurêka Study. Le premier revendique un savoir-faire « depuis 1978 », le second propose une formule incluant la constitution de dossier pour l’Angleterre et le Canada. Certains ont choisi des noms sobres, comme Corep - pour « centre d’orientation et d’examens psychologiques » -, qui propose des bilans « de l’âge de 5 ans à 28 ans » (630 euros pour le postbac). D’autres donnent dans la métaphore, comme Dessine-moi un chemin, qui travaille sur les « intelligences multiples ».

« C’est la jungle » 

Des pratiques « intolérables » pour le Syndicat général des lycéens, qui interpellera le ministre de l’Éducation sur le sujet le 8 mars. Car, auprès de ces coachs, les familles vont chercher ce que l’Éducation nationale ne peut leur donner : une information sur mesure et un accompagnement personnalisé.

« Pour faire la démarche d’aller consulter un coach, il faut avoir des moyens », reconnaît volontiers Sylvie Chabrand, professeur de physique depuis vingt-six ans, conseillère d’orientation et repreneuse, en septembre, du cabinet de coaching Quiétude, à Ecully. Elle mène ces deux activités en parallèle. « Au lycée, je fais des petits entretiens, parfois entre deux portes, confie-t-elle. Dans le cadre d’un coaching standard, c’est dix heures de suivi. » Pour 470 euros.

« C’est la jungle. Tout le monde peut se déclarer coach », explique Philippe Vivier, qui, pour mettre de l’ordre dans ce métier non réglementé, a monté en 2009 l’Association française de coaching scolaire et étudiant (AFCSE). Coach depuis quatorze ans, il dénonce « ces boîtes qui vendent du tout fait », « ces fast-foods de l’orientation ». Pour intégrer l’association, il faut avoir suivi au moins 250 heures de formation. Des conditions rigoureuses qui expliquent le faible nombre de membres. Douze seulement… « C’est un peu David contre Goliath », déplore-t-il.

 

Le Figaro - lundi 5 mars 2018