Universités : le gouvernement rebat les cartes de la licence (Les échos)

Les Échos (site web), lundi 25 juin 2018 - Universités : le gouvernement rebat les cartes de la licence

MARIE-CHRISTINE CORBIER

Nombre d'heures, modalités de rattrapage, compensation des notes : des projets de textes réglementaires prévoient de renforcer l'autonomie des universités.

La ministre, Frédérique Vidal, assure vouloir garantir « la valeur nationale des diplômes » .

Il faudra « des contrats de réussite » pour les étudiants, avait affirmé Edouard Philippe dans sa déclaration depolitique générale, le 4 juillet dernier. Un an après, cette promesse figure dans les projets de textes réglementaires destinés à réformer la licence universitaire. Selon les documents que « Les Echos » se sont procurés, le « contrat deréussite pédagogique » doit permettre une « personnalisation » des parcours. Chacun fera sa licence à son rythme, en deux, trois ou quatre ans, avec remise à niveau si besoin.

« On le faisait déjà pour les sportifs de haut niveau ou pour des étudiants qui travaillaient, car on savait qu'ils ne pouvaient pas réussir en trois ans, se félicite Françoise Lambert, du Sgen-CFDT. L'étudiant qui fera sa licence en quatre ans ne sera pas considéré comme étant en échec, car il aura respecté le contrat préétabli. » Les contrats deréussite devraient commencer à se mettre en place à la rentrée prochaine, avant une généralisation annoncée pour 2019.

Charte

Mais les universités auront-elles les moyens d'offrir la remise à niveau à laquelle elles s'engageront via ce contrat ? « Il y a de grandes chances que cela se finisse par une charte affichée à l'écran sous laquelle on cochera simplement lu et approuvé », redoute Stéphane Leymarie, du syndicat Unsa-Sup'Recherche. Le syndicaliste s'inquiète, avec d'autres, de la disparition, dans les nouveaux textes, des « directeurs d'études » .

La ministre de l'Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, les avait pourtant présentés en octobre dernier comme « les garants du parcours pédagogique » de l'étudiant. Derrière la nouvelle formulation, plus floue, de « direction d'études » telle qu'elle apparaît dans les nouveaux textes, certains redoutent qu'il n'y ait finalement pas d'enseignants ni d'enseignants-chercheurs pour le suivi pédagogique des étudiants.

Les formations devraient aussi progressivement s'organiser en blocs de compétences, suivant en cela une logique européenne. Les étudiants pourront-ils s'inscrire à la carte, au semestre ou à l'unité d'enseignement ? Sur un plan administratif, l'inscription sera annuelle ou semestrielle. Mais, sur le plan pédagogique, les textes sont rédigés d'une telle manière que la réalité pourrait être beaucoup plus souple.

« Licences low cost et premium »

Concernant le volume d'heures, le gouvernement a finalement renoncé à toucher aux sacro-saintes 1.500 heures. Les nouveaux textes détaillent cependant un contenu qui heurte certains syndicats - cours en face-à-face avec l'enseignant, cours à distance, mais aussi stages : autant de dispositifs qui existent déjà dans certaines licences, et qui devraient se généraliser.

Les règles de rattrapage et de compensation vont, elles aussi, changer. Aujourd'hui, chaque formation de licencedoit organiser une deuxième session de rattrapage. Les projets de textes parlent de « seconde chance » et laissent les formations libres de s'organiser. « Cela va engendrer beaucoup de disparités entre les licences, redoute Pierre Chantelot, du SNESUP-FSU. On va avoir des licences low cost et des licences premium. » L'Unef, de son côté, parle d'un « recul historique des droits » . Les deux syndicats, tout comme la CGT et FO, ont demandé au gouvernementde revoir sa copie.

Tous les syndicats, y compris ceux qui sont favorables aux nouveaux textes comme la Fage ou le Sgen-CFDT, s'inquiètent des moyens nécessaires pour mettre en oeuvre la réforme. Sans création de postes, ils redoutent que lesuivi pédagogique tant vanté par le gouvernement ne reste lettre morte. Edouard Philippe avait promis des annonces de moyens pour fin juin.

Marie-Christine Corbier

A consulter en ligne : https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/0301875892864-universites-le-gouvernement-rebat-les-cartes-de-la-licence-2187078.php