Entrée à l'université : la définition des attendus se précise (EducPros)

Entrée à l'université : la définition des attendus se précise 

Martin Rhodes, Laura Taillandier  |  Publié le 24.11.2017 à 17H02 EDUCPROS

Dernière ligne droite pour la définition des attendus, pierre angulaire de la réforme de l'entrée à l'université. Les conférences des doyens doivent rendre leur copie avant la fin du mois au ministère. Objectif : renseigner la nouvelle plate-forme Parcoursup d'ici à la mi-décembre, avant son ouverture aux lycéens prévue le 15 janvier 2018. 

Quels seront exactement ces fameux attendus qui doivent guider l'entrée à l'université ? La réflexion avance au sein des différentes conférences de doyens. Chacune doit remettre des propositions avant la fin du mois au ministère de l'Enseignement supérieur. Le 16 novembre 2017, une demi-journée de travail a été ouverte par la ministre Frédérique Vidal afin de répondre aux questions des représentants des commissions de la formation et de la vie universitaire et approfondir la réflexion sur le cadrage national des attendus, alors que leur saisine sur la nouvelle plate-forme Parcoursup est attendue avant la mi-décembre.

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Dans les licences en tension, comme Staps, droit ou psychologie, cette question revêt une importance toute particulière. Lorsque le nombre des candidatures excédera les capacités d'accueil d’une formation, les inscriptions seront prononcées par le président ou le directeur de l’établissement dans la limite des places disponibles, et ce au regard de la cohérence entre le projet de formation du candidat, les acquis de sa formation et ses compétences en lien les caractéristiques de la formation. Au regard donc des "attendus".

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En Staps, quatre domaines de compétences

En Staps, filière qui faisait l'objet d'un groupe de travail spécifique dans la concertation sur le Plan étudiants, la définition des attendus semble avoir un temps d'avance. La Conférences des directeurs et doyens de structures Staps souhaite "regarder de près" quatre grands domaines de compétences, déclare Didier Delignières, son président. Il s'agit des compétences scientifiques (comme les notes de première et terminale pondérées par rapport à la moyenne de la classe et à la filière du bac), littéraires (notes et résultats du bac de français), sportives (notes d'EPS, engagement à l'UNSS, licences sportives, etc.), ainsi que de l'engagement associatif – Bafa (brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur), travail d’animateur en club sportif, brevet de secouriste, etc. 

Nous ne souhaitons pas relire 8. 000 lettres de motivation. Nous préférons analyser des données factuelles
(D. Delignières)

La C3D propose que chacun de ces grands ensembles soit noté sur 30, avec un total de 120 points, "ce qui permettrait à un étudiant qui n'est pas très bon en mathématiques de se rattraper dans un autre domaine." Les bacheliers professionnels et technologiques auront-ils leur chance ? "Si l'élève a le bon nombre de points, cela ne posera aucun problème", assure le président de la Conférence des directeurs d’UFR Staps.

En revanche, il se montre sceptique sur la lettre de motivation exigée des candidats. "Nous ne souhaitons pas avoir à en relire 8.000. Nous préférons analyser des données factuelles." Ces attendus devraient être adaptés en fonction des universités. "Il devrait y avoir des pondérations différentes en fonction des spécificités de chaque formation. Des aspects scientifiques précis seront davantage regardés que dans certains établissements, plus généralistes", précise Didier Delignières.

Un test de positionnement en droit

En droit, "le projet s'affine également", indique Sandrine Clavel, présidente de la Conférence des doyens de droit et science politique. "Il y aura des attendus nationaux et des déclinaisons locales : la tension n'est pas la même partout. Là où elle sera plus forte, la déclinaison devra être plus stricte", relève-t-elle. Parmi les pistes de la conférence : la prise en compte de l'expression orale et écrite des élèves, l'appétence pour des questions de société, ainsi que les aptitudes au raisonnement. "Nous cherchons des jeunes gens sachant raisonner et ayant des aptitudes au raisonnement logique", ajoute-t-elle. D'autres éléments pourraient aussi être "éventuellement pris en compte", comme un investissement dans une association.

La conférence souhaite proposer sur la nouvelle plate-forme baptisée un "test de positionnement" national, afin que les futurs bacheliers puissent tester leurs compétences. "Il ne s'agirait pas d'un couperet et nous n'y accorderions pas un attachement trop grand dans le parcours de candidature. Une sorte d'autoévaluation permettant à l'élève de comprendre si son profil correspond à la formation", détaille Sandrine Clavel.

Un test similaire est déjà expérimenté par les universités de Cergy-Pontoise et d'Assas. En fonction des résultats, "des outils pédagogiques pourraient être proposés à l'étudiant afin qu'il renforce ses compétences", "avec toutes sortes de passerelles envisageables". Pour la présidente de la Conférence des doyens de droit, "une réflexion doit être menée sur des itinéraires bis (DUST, capacités en droit...) diplômants et construits dans une perspective d'études". 

Vers des attendus communs en lettre, langues et SHS ?

De son côté, la CDUL (Conférence des doyens et directeurs d’UFR arts, lettres, langues, sciences humaines et sociales) a envoyé un projet pour consultation à ses adhérents. Les propositions portent sur des attendus transversaux, puis spécifiques, par mention de licence. Parmi les éléments communs : la maîtrise de l'expression française (en tenant compte des notes du bac de français, ainsi que du niveau dans trois disciplines : français, histoire-géographie et philosophie) ; celle d'une langue vivante (la question du niveau est en débat : B1 ou B2) ; et, enfin, "l'intérêt" pour la discipline. 

"Dans sa lettre de motivation, l'étudiant pourrait montrer sa connaissance des objectifs scientifiques et professionnels de la discipline, en précisant les moyens par lesquels il les a acquis : stages, TPE, exposé en intégrant dans la nouvelle plate-forme ces éléments justificatifs", énumère Philippe Saltel, ancien président de la Conférence et membre du bureau.

"Nous menons une réflexion prudente, souligne l'actuel président de la CDUL, Pierre-Yves Gilles. La lettre de motivation comporte des biais. Il faut être sûr que ce ne sont pas les parents qui l'écrivent. De même, les notes varient d'un établissement à l'autre. Si une université connaît le bassin de recrutement du lycée, elle peut relativiser ce dernier élément. Le niveau en langues demandé pourrait également fluctuer selon les disciplines."

Pour les attendus spécifiques aux mentions de licence, la psychologie, la sociologie ou la géographie pourraient s'inspirer d'autres matières, comme les maths, les sciences expérimentales ou les SES. "Ce qui ressort de notre réflexion, c'est que des attendus sont également nécessaires sur le plan scientifique", résume Pierre-Yves Gilles. Dans la lettre de motivation, l'élève pourrait ainsi montrer son intérêt pour ce qui relève des sciences cognitives et du vivant.

PACES et chemins de traverse

Les Conférences des doyens des quatre filières médicales, de par la particularité de ces filières, semblent moins avancées sur le sujet. Elles doivent encore se concerter pour établir une liste commune des attendus en Paces (première année commune aux études de santé). "Les attendus seront établis en fonction des statistiques et communiqués à titre informatif. Ils ne constitueront donc pas une condition sine qua non à l’entrée en Paces", précise Jean-Luc Dubois-Randé, le président des doyens de médecine.

Celui-ci cite néanmoins deux des principaux gages de réussite : être titulaire d’un bac scientifique, de préférence avec mention, et être suffisamment bien entouré afin de se concentrer sur son travail pendant au moins toute une année. Les conférences ont prévu de solliciter les tutorats, via l’ANEMF (Association nationale des étudiants en médecine de France), pour confronter les chiffres à la réalité du terrain.

Elles devraient également suggérer de mieux informer les lycéens et les étudiants sur les nouvelles modalités d’admission dans les études médicales. Une petite poignée d’expérimentations devrait voir le jour à la rentrée 2018, notamment à l’UPMC. Jusqu’alors accessible après une deuxième ou troisième année de licence, le dispositif AlterPaces pourrait s’ouvrir aux étudiants titulaires d'un DUT (diplôme universitaire de technologie). Une recommandation faite par le professeur Jean-Paul Saint-André dans le cadre de la concertation sur le premier cycle universitaire.

Si les différents acteurs ont encore quelques jours pour rendre leur copie, il faudra faire vite pour être prêt à la mi-décembre. Un caractère d'urgence que n'a pas manqué de souligner le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants. L'institution y "appelle particulièrement l’attention du gouvernement sur le calendrier extrêmement tendu et contraint dans lequel doit être mise en œuvre une réforme qui concernera plus de 600.000 nouveaux arrivants dès la rentrée universitaire 2018 et dont l’essentiel reste à construire dans des délais très brefs".