L'Association des Enseignants et Chercheurs en Science Politique (AECSP) - sur la loi ORE

Le bureau de l’AECSP exprime sa vive inquiétude vis-à-vis de la loi ORE définitivement votée le 15 février 2018. Il rappelle son attachement à une Université ouverte, gratuite et publique.

Alors que la loi vient tout juste d’être votée, les premiers développements de la plate-forme Parcours Sup donnent à voir la mise en œuvre d’un système inique qui, sous prétexte d’une réforme de « l’orientation », introduit le principe d’une sélection à l’entrée en licence. La rédaction d’« attendus » (ex-« prérequis ») présentée par le gouvernement comme un dispositif d’aide à l’orientation des lycéen.nes s’accompagne de la mise en œuvre systématique de capacités d’accueil et de l’imposition de critères allant dans le sens d’un système de tri social généralisé.

D’une part, elle oblige (quand bien même les capacités d’accueil seraient suffisamment larges) à la mise en œuvre d’un classement des lycéen.nes candidat.es. D’autre part, sans moyens supplémentaires pour les licences, elle amènera nécessairement à une sélection toujours plus draconienne face à la croissance à venir des effectifs liée au boom démographique des années 2000.

L’inversion du principe est totale. Si les lycéen.nes, le bac en poche, sélectionnaient tant que faire se peut la licence de leur choix, ce sont désormais les personnels de l’enseignement supérieur qui les sélectionneront. Le baccalauréat ne sera dès lors qu’une pièce parmi d’autres au dossier.

De plus, le rapport Mathiot et le projet présenté par J.-M. Blanquer vont venir renforcer cette sélection sociale en promouvant l’individualisation des parcours dès l’année de seconde.

La science politique, à cheval entre grandes écoles et universités, est bien placée pour connaître les effets sociaux de la sélection. Le bureau de l’AECSP s’inquiète d’autant plus des risques accrus en la matière que la capacité d’accueil de la discipline à l’échelle nationale est particulièrement restreinte eu égard au nombre de vœux formulés les années précédentes sur APB. Dans ce contexte d’augmentation de la demande scolaire, cette situation renforcera la sélectivité des licences de science politique tout en causant un surcroît de travail administratif pour les enseignant.es-chercheur.ses dans des départements où le taux d’encadrement est particulièrement bas (cf. enquête précarité, ANCMSP, AFSP, CNU 04).

La charge de travail que représente le classement des dossiers auquel s’adjoint la promesse gouvernementale d’une « année de remise à niveau », l’augmentation des effectifs, le tout sans moyens supplémentaires, risque d’ailleurs d’être très largement portée par les travailleur.ses les plus précarisé.es d’entre nous faute de postes supplémentaires.

Le bureau de l’AECSP s’alarme donc sur le fait que le gouvernement, plutôt qu’une véritable politique d’emploi et de moyens, seule à même d’accueillir dans des conditions dignes l’ensemble des bachelier.ères, ne choisisse la voix d’un alignement du système universitaire sur celui des grandes écoles.

Par ailleurs, si ce projet de réforme avalise les inégalités sociales d’accès à l’enseignement supérieur, il ouvre également la voie à des formes d’inégalités territoriales. En science politique, l’implantation géographique des licences particulièrement déséquilibrée en termes de capacité d’accueil, couplée à la mise en œuvre d’un critère de préférence académique, risque fort de créer des « déserts universitaires ».

Le bureau de l’AECSP souhaite appuyer les mobilisations en cours réclamant le retrait de la loi ORE. Il appelle tout particulièrement les enseignant.es-chercheur.ses titulaires à se mobiliser par tous les moyens. Il soutient tout appel à la grève et enjoint les membres mobilisé.es de notre communauté à réfléchir aux moyens de rendre inopérant Parcoursup.

Le bureau de l’AECSP