Lettre à France 2 de l'AFS, APSES et ASES

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Paris, le 28 septembre 2013 Objet : Demande d’explications et de droit de réponse.

Monsieur Thuilier,

Au cours du journal de 20 H diffusé sur France 2, le jeudi 26 septembre 2013, un reportage a été consacré aux écoles d’entreprises. A l’issue de cette présentation, sur le plateau, un journaliste, M. Jean-Paul Chapel, a apporté des éléments complémentaires.

Je vous retransmets ci-dessous l’intégralité de l’échange avec le présentateur M. David Pujadas.

  • David Pujadas: Bonsoir Jean-Paul Chapel. Cette école n'est pas un cas unique. Il y en a de plus en plus.
  • Jean-Paul Chapel : De plus en plus d'entreprises créent leur propre école ou campus : Volkswagen, Veolia, Airbus ou encore Banette, Systeme U, Speedy pour ne citer qu'elles. Chacune forme une centaine de personnes en moyenne chaque année. Des diplômes reconnus par l'Etat ou par la branche professionnelle. Attention : là, on ne parle pas de formation continue pour les salariés mais bien d'étudiants qui, une fois diplômés, sont en général recrutés par l'entreprise.
  • David Pujadas : Pourquoi ces créations ?
  • Jean-Paul Chapel : Regardez ce chiffre : 120.000 postes non pourvus selon Pôle Emploi. Du coup, les entreprises forment elles-mêmes des jeunes, que l'enseignement public ne forme pas. Soit parce que les métiers sont de plus en plus techniques. Soit parce que certains métiers rebutent, la boucherie par exemple. Mais aussi à cause d'une mauvaise orientation : des bataillons de bacheliers choisissent la psycho ou la sociologie, sans grands débouchés. Enfin, pour l'entreprise, il y a un avantage à assurer une formation "sur-mesure" : un diplômé plus fidèle, voire plus docile, qu'on peut juger sur ses compétences mais aussi sur son comportement."

    En tant que directeur de l’UFR de sociologie de l’Université de Nantes, président de l’Association Française de Sociologie (AFS) et président de l’Association de Sociologues Enseignant-e-s du Supérieur (ASES), la phrase «Mais aussi à cause d'une mauvaise orientation : des bataillons de bacheliers choisissent la psycho ou la sociologie, sans grands débouchés » a retenu toute notre attention. Aussi, nous souhaitons savoir sur quelles sources précises se base votre collaborateur pour tenir de tels propos. Pour être encore plus précis, nous aimerions connaître, la mesure objective et comparée avec d’autres disciplines qui permet d’affirmer qu’il s’agit de « bataillons » et d’autre part, quelle précision donne-t-il à l’expression «sans grands débouchés ».

    Vous comprendrez, Monsieur Thuilier, que ce type « d’information » diffusé à une heure de grande écoute peut nuire gravement à l’image de nos formations, au respect de nos personnels et à l’investissement de nos étudiants et de leur famille. Si vous n’êtes pas en mesure d’apporter les éclairages demandés, pouvez vous nous mettre en relation avec M. Chapel afin que nous lui soumettions directement nos interrogations.

  • Nous considérons que les journalistes, à l’égal des sociologues sur ce point, ont une déontologie, et qu’à ce titre, ils doivent disposer de sources, les vérifier et les citer. C’est pourquoi, nous vous interpellons au nom de notre communauté professionnelle, que nous avons alertée, sur ce que nous considérons comme un dérapage déontologique. A ce titre, nous réclamons un droit de réponse ou un reportage dument informé corrigeant les propos du 26 septembre 2013.

     

     

    Sincères salutations,

  • Rémy Le Saout, Directeur de l’UFR de Sociologie de l’Université de Nantes
  • Didier Demazière, Président de l’Association Française de Sociologie
  • Laurent Willemez, Président de l’Association des Sociologues enseignant-e-s du Supérieur.